vendredi 5 juillet 2019

Eufemd : une chaîne éditoriale pédagogique en langage Markdown

Une difficulté singulière pour un enseignant, c'est la production concomitante et récurrente de documents, d'exercices et de supports de cours dans plusieurs formats : d'une part il faut prévoir un format papier A4 en orientation portrait pour les polycopiés à imprimer, d'autre part, un format en orientation paysage et découpé en pages écran pour la présentation en cours ou la lecture autonome sur écran par les élèves ou les étudiants... sans parler d'une éventuelle publication Web, qui constituerait un troisième format, intermédiaire.

Ajoutons à ce besoin fondamental des particularités propres à l'enseignement des Lettres, telles que les éditions annotées de corpus littéraires, avec numérotation des lignes et notes de bas de page ou les notes en fin de document, et plus complexe encore, la publication d'un corpus de poésie, respectant la mise en page et proposant de même la numérotation des vers.

Quelles sont alors les solutions dont on dispose ? Je commencerai par celles que j'ai essayées puis abandonnées. Je donnerai à ce propos la raison de ces abandons successifs. Je terminerai par la solution suggérée dans le titre de cet article, à savoir le recours au format de document Markdown, et je présenterai enfin un essai de mise en œuvre.

Intérêts et inconvénients des suites bureautiques

Certes, les suites bureautiques sont des outils éprouvés, spécialisés dans les tâches envisagées : traitement de textes, présentation... Et les formats standards permettent désormais un partage facile au sein des équipes pédagogiques, même entre suites concurrentes. Alors, où est le problème, me demanderez-vous ? Le problème réside dans le fait que ces outils ne savent pas dialoguer entre eux au sein d'une même suite bureautique : si vous saisissez un texte dans votre traitement de textes, vous serez obligé.e, à un moment donné, de copier son contenu pour le coller ensuite dans votre logiciel de présentation, et vice versa. Or cet aller-retour entre les deux logiciels va très vite produire un effet indésirable : la désynchronisation des versions. Il arrivera immanquablement que vous modifiiez l'un et oubliiez de rectifier l'autre, et au final, vous serez amené.e à projeter une présentation différente du polycopié distribué à vos étudiants. Or les suites bureautiques ne proposent pas un fichier unique à partir duquel produire tous les formats de sortie désirés. C'est pourquoi la chaîne éditoriale se révèle un outil précieux, mieux adapté aux besoins de l'édition pédagogique.

Vers la chaîne éditoriale

Ayant constaté l'inefficacité des suites bureautiques, je me suis donc tourné un temps vers les chaînes éditoriales disponibles.

Principe de la chaîne éditoriale

Tout d'abord, quel est le principe d'une chaîne éditoriale ?
Dans une chaîne éditoriale, on saisit et on met à jour un document unique à partir duquel on sera en mesure de produire plusieurs formats de sortie, comme une présentation, un document à imprimer, etc.

Les chaînes éditoriales testées

Si vous ne connaissez pas encore de chaîne éditoriale, je vous recommande de découvrir la référence en la matière : le projet SCENARI.ORG de l'Université de Compiègne.
Un projet dérivé remarquable est aussi celui du réseau de ressources pédagogiques Canopé, avec la chaîne éditoriale pédagogique Canoprof.

Défaut des chaînes éditoriales citées

Le problème qui resurgit avec les chaînes éditoriales citées, c'est d'une part celui de l'interface liée à la granularité des documents, d'autre part celui du format du document source.

Abordons d'abord le problème de l'interface : la conception granulaire des documents amène l'interface à se scinder en de nombreuses sous-parties, ce qui donne au final l'impression d'une arborescence complexe. L'ajout d'un grain et l'accès à son contenu vont nécessiter un bon nombre de clics et susciter chez l'utilisateur un sentiment de complexité.

Abordons maintenant la question du format : si d'aventure vous souhaitez changer d'outil, vous découvrirez à vos dépens que le format généré, de type XML, comparable à celui des suites bureautiques actuelles, est impossible à nettoyer. Je ne parle même pas d'échange avec des collègues qui continueraient à travailler pour leur part sur une suite bureautique. Et j'ai même rencontré plusieurs fois le cas où un changement de version rendait mon document obsolète en ne reconnaissant pas certaines balises de la version précédente.

En résumé, ce qui m'a fait renoncer aux chaînes éditoriales citées : leur ergonomie (trop de clics et de grains) et le format XML des documents.

Une chaîne éditoriale simplifiée : Eufemd

Je voulais donc une chaîne éditoriale simplifiée tant au moment de la saisie (usage privilégiant le clavier) que dans la nature du format de document : ce dernier devait demeurer lisible et facile à convertir pour faciliter les échanges, tout en permettant de produire au final des documents complexes.

Pour le document source unique, j'ai donc opté pour le langage Markdown. Celui-ci étant abondamment commenté et expliqué sur la Toile, je me borne au lien ci-dessus. Dans certains cas, j'ai étendu ce langage en ajoutant des balises spéciales, comme pour la saisie d'une lacune dans le texte, par exemple, ou bien encore pour insérer une image de façon simplifiée.

Edition du fichier source (éditeur nano avec coloration syntaxique)
Ce qui caractérise une chaîne éditoriale, c'est aussi la production de différents formats en sortie. Pour y parvenir, je me suis d'abord appuyé sur un outil de conversion intermédiaire : pandoc. Cet outil permet de convertir un texte en Markdown dans différents formats de sortie tels que HTML, PDF, etc.

Mais pour obtenir des documents au format papier plus complexes, avec un en-tête soigné, la numérotation des lignes, etc, ou bien encore une présentation au format Beamer, il fallait aussi utiliser un format intermédiaire comme LaTeX, et ce de façon transparente pour l'utilisateur final. La solution consiste à utiliser des modèles de documents intermédiaires, choisis lors de la création d'un nouveau document.

Génération en série de tous les documents prévus par le modèle courant

Exemple de sortie générée : une présentation au format Beamer

Autre sortie à partir du même fichier source : un document papier avec son en-tête...

Dans sa version 1.0.0, Eufemd propose six modèles de base :

  • Activité simple,
  • Cours de littérature, 
  • Activité de méthode,
  • Corpus de littérature,
  • Corpus de poésie,
  • Cours de culture générale et expression en BTS.

On peut aussi, à partir du document courant, créer un nouveau modèle.

Autre point fort de Eufemd : la facilité de générer et d'incorporer des diaporamas d'images au sein des documents. Il suffit d'insérer dans le document une balise image, par exemple IMG01, et de sélectionner ensuite une image dans un dossier, pour se voir proposer de prendre en compte automatiquement toutes les autres images dudit dossier. On a le choix de conserver les images dans la version papier ou de les supprimer dans ce format.

Pour ne pas avoir à saisir de commandes aux paramètres abscons, Eufemd se présente comme une application exécutée à base de menus Dialog.

Menu principal de Eufemd

Menu édition de Eufemd

Ainsi est née la petite chaîne éditoriale Eufemd : Ecrire Une Fois en Markdown...

Enfin, l'installation a été simplifiée au moyen d'un paquet pour les distributions GNU/Linux de type debian.

Si le projet vous intéresse, vous pourrez le télécharger, l'installer et le tester à partir de son dépôt Github.

Vous n'avez pas encore de système GNU/Linux ? C'est sans doute une raison supplémentaire pour vous y intéresser.